CRDE
1. Ce matin -là, alors qu’il ne faisait pas encore jour, elle se leva avec une impression de déjà-vu: devant elle, l’armoire s’ouvrait sur un chaos chaotique, les pulls chiffonnés parmi les pulls, les pantalons torchonnés par-dessous les blouses, les blouses avachies parmi les slips et les dentelles… les chaussettes puantes et noires de crasse pendues tel des nuages agonisants de tristesse au-dessus des battants écartelés. Ainsi, pensa-t-elle, ainsi va la vie. Elle détourna le regard, alluma la lampe de chevet et se concentra sur le vide qui ne cessait de balancer entre ses yeux et ses oreilles: vide de sens, vide de signification, vide de tout. Elle se leva pourtant, car il y avait à faire: le petit-déjeuner par exemple, et les enfants à lever, à laver, à mettre sur le chemin de l’école. Son mari quant à lui n’était pas là - il dormait certainement encore entre les draps lavables à 90 degrés d’un quatre étoile dans une quelconque capitale européenne. Elle regarda par la fenêtre dont les rideaux s’étaient ouverts tout seuls, par une impulsion dont elle maîtrisait le secret; une des choses qu’elle était seule à savoir faire, contrairement à la cuisine, au ménage, au jardinage et à la liturgie catholique que son mari maîtrisait ; le catholi « ch »isme (disait-il), la seule raison de vivre plausible de nos jours, las ! Car toute autre pensée n’en valait plus la peine depuis que la télé, la radio, les journaux, tout cela avait cessé d’exister. Il n’y a que la raison qui compte pensa-t-elle, la raison la plus forte qui a supplanté la raison du faible; et puisque nous n’avons rien su faire de mieux que de laisser gagner les imbéciles, et bien nous voilà bien punis pour notre HYBRIS, notre indolente violence, notre flemme criminelle, notre assassine désespérance.
Le soleil s’était levé entre deux pics pointus perdus au loin, les Alpes, ces monts dont elle pouvait voir les sommets et les pentes plus ou moins enneigées depuis la fenêtre de la chambre, de la salle de bain ou du salon - c’était selon, c’était comme elle l’entendait, car parfois elle baissait les stores pour avoir la paix: alors, on ne voyait plus qu’une mer de coton beigêatre et, par beau temps, le reflet des remous mous de la piscine au plafond. Si seulement on avait pu y acclimater un banc de poissons rouges, pensa-t-elle, ç’aurait été tellement plus amusant !
2. LAMORTDELALITTERATURE: une phrase qu’elle a entendue dans son rêve, bien qu’elle ne se souvienne pas avec précision du contexte dans lequel elle lui avait été donnée. LAMORTDELALITTERATURE sonnait comme un titre dangereux pour film mineur; elle ne savait qu’en faire, elle la tournait dans sa bouche , la retournait 7 fois sous la sangsue de sa langue et la recracha. La cracha aussi loin qu’elle put, car la conscience ne voulait pas venir à cette phrase douloureuse comme un calcul: LAMORTDELALITTERATURE n’avait pas eté programmée (mais prévue), elle s’en souvenait maintenant, l’un de ses coachs préférés en avait parlé en cours de gymnastique postnatale. Elle attrappa une serviette et s’essuya le front englué d’une sueur mauvaise. Elle se redressa. Il faut boire, se dit-elle, mon coach…
à cet instant, son implant buccal (iB) se mit à vibrer. Qui cela pouvait-il bien être? sa mère peut-être, l’inventrice de ses jours, ou son père, ce grand magicien sans inspiration mais avec une grosse bitte (elle l’avait aperçue dans la baignoire, flottant à la surface entre les dômes de mousse tel un tuyau de douche, c’est donc avec ce truc-là qu’il ma faite, pensa-t-elle, et:) si Dieu savait ça… Mais Dieu aussi était mort il y a bien longtemps déjà (quoi qu'en dise son mari), à plusieurs reprises, et avec lui toute la littéreture le concernant, d’ailleurs. Fini les petits bons mots à distribuer aux ouailles le dimanche (ainsi que tous les autres jours de la semaine, par effet de réverbération). Y’en a avait toujours - encore - assez pour faire rêver !
1. Ce matin -là, alors qu’il ne faisait pas encore jour, elle se leva avec une impression de déjà-vu: devant elle, l’armoire s’ouvrait sur un chaos chaotique, les pulls chiffonnés parmi les pulls, les pantalons torchonnés par-dessous les blouses, les blouses avachies parmi les slips et les dentelles… les chaussettes puantes et noires de crasse pendues tel des nuages agonisants de tristesse au-dessus des battants écartelés. Ainsi, pensa-t-elle, ainsi va la vie. Elle détourna le regard, alluma la lampe de chevet et se concentra sur le vide qui ne cessait de balancer entre ses yeux et ses oreilles: vide de sens, vide de signification, vide de tout. Elle se leva pourtant, car il y avait à faire: le petit-déjeuner par exemple, et les enfants à lever, à laver, à mettre sur le chemin de l’école. Son mari quant à lui n’était pas là - il dormait certainement encore entre les draps lavables à 90 degrés d’un quatre étoile dans une quelconque capitale européenne. Elle regarda par la fenêtre dont les rideaux s’étaient ouverts tout seuls, par une impulsion dont elle maîtrisait le secret; une des choses qu’elle était seule à savoir faire, contrairement à la cuisine, au ménage, au jardinage et à la liturgie catholique que son mari maîtrisait ; le catholi « ch »isme (disait-il), la seule raison de vivre plausible de nos jours, las ! Car toute autre pensée n’en valait plus la peine depuis que la télé, la radio, les journaux, tout cela avait cessé d’exister. Il n’y a que la raison qui compte pensa-t-elle, la raison la plus forte qui a supplanté la raison du faible; et puisque nous n’avons rien su faire de mieux que de laisser gagner les imbéciles, et bien nous voilà bien punis pour notre HYBRIS, notre indolente violence, notre flemme criminelle, notre assassine désespérance.
Le soleil s’était levé entre deux pics pointus perdus au loin, les Alpes, ces monts dont elle pouvait voir les sommets et les pentes plus ou moins enneigées depuis la fenêtre de la chambre, de la salle de bain ou du salon - c’était selon, c’était comme elle l’entendait, car parfois elle baissait les stores pour avoir la paix: alors, on ne voyait plus qu’une mer de coton beigêatre et, par beau temps, le reflet des remous mous de la piscine au plafond. Si seulement on avait pu y acclimater un banc de poissons rouges, pensa-t-elle, ç’aurait été tellement plus amusant !
2. LAMORTDELALITTERATURE: une phrase qu’elle a entendue dans son rêve, bien qu’elle ne se souvienne pas avec précision du contexte dans lequel elle lui avait été donnée. LAMORTDELALITTERATURE sonnait comme un titre dangereux pour film mineur; elle ne savait qu’en faire, elle la tournait dans sa bouche , la retournait 7 fois sous la sangsue de sa langue et la recracha. La cracha aussi loin qu’elle put, car la conscience ne voulait pas venir à cette phrase douloureuse comme un calcul: LAMORTDELALITTERATURE n’avait pas eté programmée (mais prévue), elle s’en souvenait maintenant, l’un de ses coachs préférés en avait parlé en cours de gymnastique postnatale. Elle attrappa une serviette et s’essuya le front englué d’une sueur mauvaise. Elle se redressa. Il faut boire, se dit-elle, mon coach…
à cet instant, son implant buccal (iB) se mit à vibrer. Qui cela pouvait-il bien être? sa mère peut-être, l’inventrice de ses jours, ou son père, ce grand magicien sans inspiration mais avec une grosse bitte (elle l’avait aperçue dans la baignoire, flottant à la surface entre les dômes de mousse tel un tuyau de douche, c’est donc avec ce truc-là qu’il ma faite, pensa-t-elle, et:) si Dieu savait ça… Mais Dieu aussi était mort il y a bien longtemps déjà (quoi qu'en dise son mari), à plusieurs reprises, et avec lui toute la littéreture le concernant, d’ailleurs. Fini les petits bons mots à distribuer aux ouailles le dimanche (ainsi que tous les autres jours de la semaine, par effet de réverbération). Y’en a avait toujours - encore - assez pour faire rêver !