1.
Du fleuve
Le nom des feuilles
Le nom d’une mélodie
Le nom du cirque de roches
Le nom d’une danse éperdue
Le nom passant
Le nom des nuages, des couleurs de midi
froissées par le feu
du nom
Le nom de l’imperturbable
Le nom de l’intervalle
Le nom du parfum de la pierre
et des os
le nom de la terre
Plus de nom
pas à pas
2.
Le bâton de la lettre
Le mot de folie
L’arbre, le hêtre noir
Parler
de ce qui ne me connaît pas
le moindre mot suscite l’abîme
Au fond, rien
ne résiste, ni le temps
qui passe, ni les morts
ni le chagrin
Seul un voile
3.
Don’t look
L’envers de l’image: serrure aveugle -
mais l’idée d’une clé
a nulle forme.
Ainsi va le visage de l’animal,
dresse la terreur de l’avenir:
Taureau ! Ruine ! Silence !
4.
Et ne croyez rien de ce qui apparaît
lorsque le sol se dérobe
et que le ciel exige
mais ne reçoit
des couleurs toute la lumière du jour ;
Alors, naissant - trébuchant - chantant
ma longue marche d’Est en Ouest
où une mer de cuir
sachant tout, n’est plus, et recommence:
Lorsque nous distinguons
de nuit son noir - c’est
où je vais.
D’ailleurs, voici que
l’animal démontre son visage.
De ses mains forme,
de ses cheveux
les odoriférantes musiques,
de ses organes
les fêtes et les costumes.
Sans nom, il nous confond.
Sans nom.
5.
Floraison de toutes mes erreurs
rosit sur tige des ardeurs
au creux secret du jardin.
La foudre est tombée
(L’arme des coeurs, des fines bouches)
Le tonnerre a éclaté et la pluie nous a arrosés
alors que nous sommes dimanche…
Ainsi, je vais par le jardin
avec, au bras, un parapluie troué.
6.
Prends donc
ma pupille
avec tes doigts:
Y vois-tu
ce que je crois ?
7.
Le jour
par la fenêtre
s’agite – son,
vent et lumières
point solaires, mais leds blancs et bleus:
Ailleurs c’est la guerre
Ailleurs la haine brandit ses moignons.
Cì-bas c’est encore
la paix universelle,
le clapotis des convictions,
le murmure des pas
sur la moquette,
le rire baccarat des vendeuses microfibre,
pièces de collection serties
d’or et de turquoise.
L’attentat a fait 15 morts
nous imaginons le goût du sang
lorsque nous étions morts
paupières collées
lèvres éventrées
entrailles muettes
Chevaux et serpents
nous ouvrions parfois
nos blessures avec deux doigts
sur la vérité
assise au bord du lit
un peu de soleil lui caressait le ventre
Ô douce beauté nocturne viens !
Viens me bercer,
ta salive saura m’apprendre à dire
Déesse !
Sous ta grande bouche ton palais
où me perdre pour de vrai
Nous nous contenterons
de rien
- moi aussi j’ai été jeune et belle -
Viens me bercer :
cì-bas
c’est encore la paix universelle.
8.
Finalement les mots
sont irresponsables
à l’exception de celui qui les écrit, les lit et les use,
en pire.
9.
Promenade dans la vallée
de l’étrange
(Le verbe haut, le sang généreux,
le rire du philosophe)
Ne rien faire comme d’habitude
c’est faire comme d’habitude encore.
Tous ceux qui m’ont oubliée
(auxquels il ne sert à rien
de penser)
métaphores en haillons
Le dos de la montagne -
Pourtant
Un petit peu de lumière
chatouille l’abord du mot
que je soulève
10.
Ecrire dit-elle
une phrase à la Duras
Au bord de la mer
l’horloge et les nuages
Devant la fenêtre
l’autre mur,
et le vent.
11.
Fleur
Regarde
Couleur
L’image n’a aucune profondeur.
Lorsqu’on lui en prête
elle perd tout son sang
L’image ne doit pas
indiquer d’au-delà :
le pourrait-elle seulement
si elle voulait.
L’image agit comme garde-
fou jusqu’ici et pas davantage:
Je suis le miroir
qui renvoie à ta conscience
le simple fait d’apercevoir
ce que sans moi
tu n’aurais su.
L’image ne trompe personne.
Il n’y a point de vérité au-delà de l’image,
l’au-delà c’est le spectateur.
12.
Lorsque je me promène
en voiture et que je regarde
défiler à gauche et à
Chaque mot un effort
Feu de paille
13.
Elle ouvrit un mot, regarda, le jeta.
Elle en ouvrit un deuxième, le jeta,
puis un troisième, qu’elle rejeta.
Elle n’en trouva aucun qui convint.
De guerre lasse, d’effort molli, de volonté
caduque, elle cessa de s’y intéresser.
14.
La langue simple
Revenons-y
c’est elle - regardez -
la vierge, l’humble injure
sur le pas de la porte
flottant brumeuse voilure,
parfum de gâteau passé.
15.
Remuant ciel et terre
oscillatoire
les yeux courbés au sol
car c’est où nous retournons
sans espoir de destinée stellaire
malgré tous les récits encore
Rire des feuillages au vent immobile
souvenirs lointains
parmi d’autres souvenirs lointains
forment un paysage de splendeur
alangui sous le danger de l’amour
Et puis
encore l’impossible mélancolie
à en appeler d’autres à la rescousse,
meilleurs, plus beaux,
en hécatombes d’adjectifs
sexués ! Amusants ! Musicaux !
C’est là que je me retourne.
Surgit le paysage au milles détours
qui montre la rose ancienne,
le moulin, la libellule -
L’amour n’est plus une image
La tendresse du monde
ce bien-aimé
perché parmi les nuages
J’y pense
16.
Un traître mot
invoque d’autres mots traîtres
une armée de singes
désordonnés et indisciplinés
la fleur au fusil
mais pas une trace de langage -
17.
Le silence règne en maître
où il n’a pas été appelé
J’ai perdu mon nom
si beau dans mes souvenirs
« Ôh » «Âh », « Îh », « Ûh »
Au jardin zoologique,
moult oiseaux dans les branches.
18.
Les mots entrent
de l’extérieur
Personne ne connaît leur provenance
par jour de pluie
19.
plus aucune langue ne me résiste
leurs nattes mortes emplissent mes bouches
mes lèvres sont des nuages gonflés
d’où rien ne tombe
(Les volutes du silence
qui roulent lames
pour trancher dans l’eau qui dort)
20.
Je ne sais rien
dire ni taire
ni voir, ouïr, et rien
ne vient d’aucune peine -
Je sais parcontre faire le vrai
dans l’indifférence d’avec
le faux, mais
le ciel et son silence
pierreux peuvent m'abasourdir aussi
comme foudre
dans le feuillage et les branches -
21.
En bordure
se tient un loup
(l’éloignement est une bonne excuse,
l’incapacité aussi)
depuis la lisière
les mots
la terreur
les morts
le sac vide
la nuit qui monte
Ah si seulement j’avais le verbe fluide
Paysage d’os et d’eau
22.
J’entre
Milles grenouilles
explosent à l’entour
La rivière de bave
sans un bruit
le ciel accueille
S’élancer au dehors !
Le plus beau des sentiments !
Dehors ! Dehors !
L’air fougueux
Mais déjà il faut courber l’échine.
23.
Fureur - au ciel
trompette solaire
au sol serpent d’eau
claire glisse, perle
aveugle - nous n’avons
plus rien à dire -
À écrire…
Musique !
Les tempes sonnent
l’après-midi.
Du fleuve
Le nom des feuilles
Le nom d’une mélodie
Le nom du cirque de roches
Le nom d’une danse éperdue
Le nom passant
Le nom des nuages, des couleurs de midi
froissées par le feu
du nom
Le nom de l’imperturbable
Le nom de l’intervalle
Le nom du parfum de la pierre
et des os
le nom de la terre
Plus de nom
pas à pas
2.
Le bâton de la lettre
Le mot de folie
L’arbre, le hêtre noir
Parler
de ce qui ne me connaît pas
le moindre mot suscite l’abîme
Au fond, rien
ne résiste, ni le temps
qui passe, ni les morts
ni le chagrin
Seul un voile
3.
Don’t look
L’envers de l’image: serrure aveugle -
mais l’idée d’une clé
a nulle forme.
Ainsi va le visage de l’animal,
dresse la terreur de l’avenir:
Taureau ! Ruine ! Silence !
4.
Et ne croyez rien de ce qui apparaît
lorsque le sol se dérobe
et que le ciel exige
mais ne reçoit
des couleurs toute la lumière du jour ;
Alors, naissant - trébuchant - chantant
ma longue marche d’Est en Ouest
où une mer de cuir
sachant tout, n’est plus, et recommence:
Lorsque nous distinguons
de nuit son noir - c’est
où je vais.
D’ailleurs, voici que
l’animal démontre son visage.
De ses mains forme,
de ses cheveux
les odoriférantes musiques,
de ses organes
les fêtes et les costumes.
Sans nom, il nous confond.
Sans nom.
5.
Floraison de toutes mes erreurs
rosit sur tige des ardeurs
au creux secret du jardin.
La foudre est tombée
(L’arme des coeurs, des fines bouches)
Le tonnerre a éclaté et la pluie nous a arrosés
alors que nous sommes dimanche…
Ainsi, je vais par le jardin
avec, au bras, un parapluie troué.
6.
Prends donc
ma pupille
avec tes doigts:
Y vois-tu
ce que je crois ?
7.
Le jour
par la fenêtre
s’agite – son,
vent et lumières
point solaires, mais leds blancs et bleus:
Ailleurs c’est la guerre
Ailleurs la haine brandit ses moignons.
Cì-bas c’est encore
la paix universelle,
le clapotis des convictions,
le murmure des pas
sur la moquette,
le rire baccarat des vendeuses microfibre,
pièces de collection serties
d’or et de turquoise.
L’attentat a fait 15 morts
nous imaginons le goût du sang
lorsque nous étions morts
paupières collées
lèvres éventrées
entrailles muettes
Chevaux et serpents
nous ouvrions parfois
nos blessures avec deux doigts
sur la vérité
assise au bord du lit
un peu de soleil lui caressait le ventre
Ô douce beauté nocturne viens !
Viens me bercer,
ta salive saura m’apprendre à dire
Déesse !
Sous ta grande bouche ton palais
où me perdre pour de vrai
Nous nous contenterons
de rien
- moi aussi j’ai été jeune et belle -
Viens me bercer :
cì-bas
c’est encore la paix universelle.
8.
Finalement les mots
sont irresponsables
à l’exception de celui qui les écrit, les lit et les use,
en pire.
9.
Promenade dans la vallée
de l’étrange
(Le verbe haut, le sang généreux,
le rire du philosophe)
Ne rien faire comme d’habitude
c’est faire comme d’habitude encore.
Tous ceux qui m’ont oubliée
(auxquels il ne sert à rien
de penser)
métaphores en haillons
Le dos de la montagne -
Pourtant
Un petit peu de lumière
chatouille l’abord du mot
que je soulève
10.
Ecrire dit-elle
une phrase à la Duras
Au bord de la mer
l’horloge et les nuages
Devant la fenêtre
l’autre mur,
et le vent.
11.
Fleur
Regarde
Couleur
L’image n’a aucune profondeur.
Lorsqu’on lui en prête
elle perd tout son sang
L’image ne doit pas
indiquer d’au-delà :
le pourrait-elle seulement
si elle voulait.
L’image agit comme garde-
fou jusqu’ici et pas davantage:
Je suis le miroir
qui renvoie à ta conscience
le simple fait d’apercevoir
ce que sans moi
tu n’aurais su.
L’image ne trompe personne.
Il n’y a point de vérité au-delà de l’image,
l’au-delà c’est le spectateur.
12.
Lorsque je me promène
en voiture et que je regarde
défiler à gauche et à
Chaque mot un effort
Feu de paille
13.
Elle ouvrit un mot, regarda, le jeta.
Elle en ouvrit un deuxième, le jeta,
puis un troisième, qu’elle rejeta.
Elle n’en trouva aucun qui convint.
De guerre lasse, d’effort molli, de volonté
caduque, elle cessa de s’y intéresser.
14.
La langue simple
Revenons-y
c’est elle - regardez -
la vierge, l’humble injure
sur le pas de la porte
flottant brumeuse voilure,
parfum de gâteau passé.
15.
Remuant ciel et terre
oscillatoire
les yeux courbés au sol
car c’est où nous retournons
sans espoir de destinée stellaire
malgré tous les récits encore
Rire des feuillages au vent immobile
souvenirs lointains
parmi d’autres souvenirs lointains
forment un paysage de splendeur
alangui sous le danger de l’amour
Et puis
encore l’impossible mélancolie
à en appeler d’autres à la rescousse,
meilleurs, plus beaux,
en hécatombes d’adjectifs
sexués ! Amusants ! Musicaux !
C’est là que je me retourne.
Surgit le paysage au milles détours
qui montre la rose ancienne,
le moulin, la libellule -
L’amour n’est plus une image
La tendresse du monde
ce bien-aimé
perché parmi les nuages
J’y pense
16.
Un traître mot
invoque d’autres mots traîtres
une armée de singes
désordonnés et indisciplinés
la fleur au fusil
mais pas une trace de langage -
17.
Le silence règne en maître
où il n’a pas été appelé
J’ai perdu mon nom
si beau dans mes souvenirs
« Ôh » «Âh », « Îh », « Ûh »
Au jardin zoologique,
moult oiseaux dans les branches.
18.
Les mots entrent
de l’extérieur
Personne ne connaît leur provenance
par jour de pluie
19.
plus aucune langue ne me résiste
leurs nattes mortes emplissent mes bouches
mes lèvres sont des nuages gonflés
d’où rien ne tombe
(Les volutes du silence
qui roulent lames
pour trancher dans l’eau qui dort)
20.
Je ne sais rien
dire ni taire
ni voir, ouïr, et rien
ne vient d’aucune peine -
Je sais parcontre faire le vrai
dans l’indifférence d’avec
le faux, mais
le ciel et son silence
pierreux peuvent m'abasourdir aussi
comme foudre
dans le feuillage et les branches -
21.
En bordure
se tient un loup
(l’éloignement est une bonne excuse,
l’incapacité aussi)
depuis la lisière
les mots
la terreur
les morts
le sac vide
la nuit qui monte
Ah si seulement j’avais le verbe fluide
Paysage d’os et d’eau
22.
J’entre
Milles grenouilles
explosent à l’entour
La rivière de bave
sans un bruit
le ciel accueille
S’élancer au dehors !
Le plus beau des sentiments !
Dehors ! Dehors !
L’air fougueux
Mais déjà il faut courber l’échine.
23.
Fureur - au ciel
trompette solaire
au sol serpent d’eau
claire glisse, perle
aveugle - nous n’avons
plus rien à dire -
À écrire…
Musique !
Les tempes sonnent
l’après-midi.